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(OBM) Paroles de profs : Anouk Simpson 

30 juillet 2020

Bonjour Anouk, peux-tu te présenter?

A.S.: Je m’appelle Anouk Simpson et je suis enseignante en adaptation scolaire à l’école secondaire Jeanne-Mance, en classe spéciale de type DGA-TA. Mes élèves ont entre 12 et 15 ans. Ils sont issus de différents milieux et ils proviennent de partout à Montréal : ma classe fait partie d’un point de service unique sur le territoire du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM). Plusieurs viennent de milieux socioéconomiques défavorisés : les troubles ne font aucune discrimination par rapport aux moyens des familles, mais les facteurs de protection permettant de surmonter ces difficultés spécifiques sont moins disponibles lorsque la situation socioéconomique est plus délicate. Ils sont donc plus nombreux à avoir besoin d’une aide supplémentaire en milieu scolaire.

Ma description de tâche formelle serait d’enseigner le programme du premier cycle du secondaire à des jeunes qui ont un important retard scolaire et des troubles associés diagnostiqués (trouble langagier, dyslexie/dysorthographie, trouble déficitaire de l’attention, handicap sensoriel, etc.). Moins formellement, mais de façon plus importante pour moi, mon travail consiste d’abord à comprendre, pour chacun d’eux, où ils sont rendus dans leur cheminement scolaire, à définir des objectifs, et à tracer le chemin dans lequel les guider pour rejoindre le point de départ et la destination. Ce faisant, je dois tenir compte de leur parcours académique, mais aussi de leur parcours plus personnel, des forces qui sont en eux (ils en ont beaucoup!) et des défis auxquels ils doivent faire face. Les apprentissages scolaires ne se font pas en parallèle du cheminement personnel des élèves : ils sont intimement liés. Nous devons absolument en tenir compte au moment de déterminer les objectifs et de créer les moyens pour y arriver.
Mon travail demande une constante adaptation entre les caractéristiques de mes élèves, très personnelles et toujours en évolution, et les exigences du programme de formation. C’est donc tout sauf routinier et répétitif. L’enseignement en adaptation scolaire est d’abord un boulot profondément humain, qui prend racine dans le lien créé avec chaque élève, bien avant l’enseignement de contenus de formation. Bien que l’on vive nos défis en groupe, il est impératif pour moi de tenir compte et de respecter l’unicité du parcours de chaque jeune.

 

Quels impacts de la Covid-19 et du confinement avez-vous pu constater sur la scolarité de vos élèves?

A.S.: J’ai la chance d’avoir un lien privilégié et quotidien avec mes élèves. La situation liée à la COVID-19 a évidemment changé beaucoup mon rapport. J’ai utilisé les réseaux sociaux pour maintenir le lien avec eux, mais il est évident que les contacts étaient beaucoup plus limités et moins riches. Au départ, la situation a été vécue plus comme des vacances, mais les élèves se sont éventuellement davantage souciés de leur réussite et de leurs apprentissages au fur et à mesure que le temps a passé. Plusieurs n’avaient pas les moyens à leur disposition pour leur permettre de s’impliquer pleinement dans leur réussite scolaire, par exemple les outils technologiques et même le matériel de base (crayons et cahiers étant restés à l’école, plusieurs n’ont pas accès à ces outils chez eux), espace de travail efficace à la maison, soutien ponctuel dans le maintien de leur motivation, compétences organisationnelles pour pouvoir gérer le travail à distance, compétences en français pour comprendre les tâches présentées par écrit, etc.
Il n’y a pas un coupable et tout le monde (famille, milieux scolaires, etc.) a fait de son mieux pour développer des moyens dans la situation.

L’école est un lieu de contacts sociaux impératifs dans le développement et le bienêtre des adolescents. Privés de cela, plusieurs ont manifesté un certain niveau de découragement, de lassitude voire de détresse. L’école est aussi un lieu où se déploient plusieurs services facilement accessibles pour les adolescents. Ils ont aussi été privés de ce réseau. Des ressources étaient disponibles, mais leur accessibilité a été considérablement réduite et beaucoup plus complexe. Je suis d’avis que la santé mentale des ados en général s’est dégradée pendant le confinement. Particulièrement dans le cas de ceux pour qui la vie était déjà parsemée d’embuches et de défis. Éloignée d’eux, j’ai eu plus de difficulté à exercer mon rôle de première ligne, pour les soutenir et les référer, aussi. Le sentiment d’impuissance était grand.


Selon toi, quels risques peut-on craindre à long terme?

A.S.: J’ai fait le choix de travailler en adaptation scolaire, dans un secteur où il n’y a pas de formule prédéfinie, les moyens étant à inventer et à adapter constamment. Donc je crois que rien n’est insurmontable! Mais il est clair que tous les élèves, surtout ceux qui éprouvaient des difficultés d’apprentissage avant la crise, auront un grand défi à surmonter. J’ai la ferme conviction que la flexibilité des milieux, et le déploiement de moyens bienveillants et créatifs, pourront minimiser une éventuelle vague de décrochage ou de démotivation. Pour cela, il faut donner aux jeunes les moyens d’y croire et d’y parvenir : une aide adaptée, des ressources matérielles et financières, une bonne compréhension de leur situation.


De quoi ces jeunes ont-ils besoin aujourd’hui?

A.S.: Comme toujours, on ne peut pas faire les apprentissages pour eux. Par contre, en tant qu’enseignante, je peux m’assurer de leur offrir une aide pédagogique adaptée. Je peux aussi, en tant qu’humaine, leur offrir un espace bienveillant et compréhensif pour les accueillir et leur permettre de déployer leurs moyens à leur rythme. Là où le programme Opération Bonne Mine aide, c’est en contribuant à leur offrir le matériel nécessaire pour leurs apprentissages, et surtout en les soutenant dans leur motivation. On sait que la réussite scolaire des jeunes est directement liée à la motivation et à la perception de leur capacité de réussir. Avoir les outils et le sentiment qu’on croit en nous sont les clés essentielles pour démarrer une année scolaire du bon pied.
On sous-estime souvent l’importance d’avoir accès à du matériel scolaire. Se présenter à l’école avec crayons, cartables et cahiers, c’est tout simple, mais plusieurs élèves n’ont pas ce privilège. Il ne faut pas minimiser l’espace mental que peut prendre cet enjeu pour les jeunes. Opération Bonne Mine les soutient aussi tout au long de l’année via des programmes de reconnaissance à grand déploiement, des bourses de persévérance et des programmes qui m’aident, en tant qu’enseignante, à garder vivante leur motivation et à leur offrir un espace où ils sont reconnus. Ce sont là des outils précieux et dont l’impact est énorme sur les élèves vulnérables qui en bénéficient. J’ai la chance d’être aux premières loges pour le constater depuis plusieurs années maintenant. Opération Bonne Mine fait partie de mon coffre à outils pour soutenir mes jeunes, c’est réellement précieux!

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