La crise du logement, c’est aussi avoir faim
Vous vous demandez sans doute pourquoi la Société de Saint-Vincent de Paul de Montréal (SSVPM) prend position sur la question du logement? Effectivement, nous ne sommes pas reconnus pour parler de ce thème et encore moins pour interpeller la classe politique à ce sujet.
Nous croyons cependant qu’il est primordial de nous prononcer sur la crise actuelle car elle a des répercussions majeures sur les personnes qui doivent l’affronter. Nous ne reprendrons pas les statistiques et les données qui dépeignent la situation du logement dans le grand Montréal. Plusieurs organisations telles que le FRAPRU le font très bien. De notre côté, les bénévoles de la SSVPM sont témoins des impacts dévastateurs sur les gens qui n’ont pas accès à un logement sain et qui corresponde à leur budget. Notre clientèle se compose de ménages* qui doivent, de plus en plus, faire le choix inconcevable entre un toit et l’épicerie.
Les gouvernements ont-ils conscience de la difficulté aujourd’hui de trouver un logement salubre et décent, et ce, quel que soit son niveau du revenu?
Manque de logements sociaux et à prix abordables, rénovictions, augmentations abusives des loyers, habitations insalubres, discriminations de toutes sortes, etc. : les raisons qui expliquent ce que nous vivons ne sont pas nouvelles et l’absence d’actions concrètes est criante. Lorsque nous comprenons les conséquences de cette catastrophe et que nous regardons en arrière, nous pouvons affirmer que tout a commencé il y a plusieurs années dans la plus grande indifférence.
À la SSVPM, nous aidons chaque année près de 30 000 personnes. Ce chiffre a augmenté de 30% et dans certains quartiers de 300% en 2020, même si le contrôle de la pandémie se fait ressentir dernièrement. Ce qui nous préoccupe, c’est de constater comment la hausse des loyers participe à changer le visage du public qui fait appel à nos services. Ce ne sont plus seulement les gens sur l’aide sociale ou les pensions de vieillesse qui voient leur maigre revenu englouti dans le loyer : de plus en plus de salariés, parfois considérés de la classe moyenne, c’est-à-dire au-dessus du seuil de la pauvreté, se retrouvent devant cette réalité. Nous observons aussi comment vivre avec l’insécurité de ne pas être logé adéquatement a des répercussions sur la santé physique et mentale à long terme.
Le paradoxe dans cette situation est qu’il y a des efforts et des ressources déployés, pour favoriser l’accès à la nourriture et réduire la faim. Si nous ne prenons pas au sérieux le contexte préoccupant du marché locatif, nous amplifions du même coup la difficulté pour de nombreuses familles à l’accéder à de la nourriture fraîche et à quantité suffisante.
Pour finir, décrire l’état du logement dans le grand Montréal comme une « crise » reflète-t-il vraiment la réalité? Une crise est un phénomène soudain qui passera avec le temps pour revenir à la normale. Est-ce réellement le cas ici?
C’est pourquoi la SSVPM unit sa voix avec le FRAPRU (Front d'action populaire en réaménagement urbain), la FLHLMQ (Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec) et d’autres organismes pour réclamer que les gouvernements priorisent rapidement et sérieusement la thématique du logement, afin que les ménages puissent se loger convenablement et être capables de se nourrir sainement.
*Personnes seules, familles (couples avec ou sans enfant)
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Denise Ouellette et Axelle Enet